Les consommateurs cloîtrés qui sortiront de chez eux au cours des prochains mois verront probablement le paysage du commerce changer à jamais, avec une prédominance du e-commerce au détriment des grandes enseignes physiques.
Selon cette étude, le taux de consommateurs qui achètent régulièrement en ligne dans les principaux pays européens, dont la France, a explosé, passant de 25% à 80% depuis le début de la pandémie Covid-19.
Avec cette tendance qui a peu de chance de s’essouffler après le confinement, Amazon deviendra probablement encore plus puissant qu’aujourd’hui, même si les irréductibles Gaulois tentent de troubler, à juste titre, l’activité de la firme de Jeff Bezos en provoquant la fermeture de ses entrepôts français pendant plusieurs semaines. C’était d’ailleurs un sujet abordé dans l’un de nos podcasts.
Dans le même temps, de nombreux petits commerçants en ligne ont laissé des plumes durant cette période de crise, contraints de suspendre leurs activités faute de moyens de personnels, de logistique et de demande de la part des consommateurs.
Sommaire
🔥 Amazon comme réelle menace pour Google
La domination d’Amazon en tant que leader mondiale du e-commerce et sa croissance en tant que plateforme publicitaire sont des menaces directes pour Google. Bien que la société de Seattle ne puisse probablement jamais rattraper ou dépasser Google en termes de revenus publicitaires, elle peut lentement grignoter sa part de marché et sa croissance. D’une certaine manière, Amazon est un concurrent plus redoutable pour Google que Facebook.
Petit parenthèse : n’hésitez pas à consulter notre article sur la bataille Amazon vs Google en ce qui concerne la recherche produits.
Google a donc essayé d’améliorer son expérience d’achat pour mieux concurrencer Amazon, en jouant à la fois en attaque et en défense. Tout récemment, Google a annoncé le retour des listings produits gratuits dans Google Shopping, qui est en train de se déployer.
Les e-commerçants disposeront désormais, sous l’onglet « Shopping » dans les résultats de recherche, d’un nouveau canal gratuit pour gagner en visibilité et stimuler les ventes. Bill Ready, le big boss du commerce chez Google, a décrit les avantages de cette nouvelle fonctionnalité pour les commerçants et les consommateurs. Il explique que: « Pour les commerçants, ce changement signifie une exposition gratuite à des millions de personnes qui viennent chaque jour sur Google pour leurs besoins d’achat. Pour les acheteurs, cela signifie plus de produits provenant de plus de magasins, que l’on peut découvrir grâce à l’onglet « Shopping ». Pour les annonceurs, cela signifie que les campagnes payantes peuvent désormais être complétées par des annonces gratuites ».
🛍️ Google Shopping : Y’a plus qu’à…
Cette initiative fait suite à une refonte majeure de Google Shopping et de son interface, l’année dernière, avec le déploiement de Google Shopping Actions. D’une certaine manière, l’entreprise est revenue à ses racines, mais dans le même temps, elle imite Amazon. Pour gagner, elle doit battre Amazon à son propre jeu tout en marquant une différence : c’est le même dilemme auquel Bing a dû faire face et qu’il n’a pas pu résoudre face à Google.
Google Shopping a été lancé en 2002, sous la forme d’un index des produits de catalogues de ventes appelé « Froogle ». Le service a ensuite évolué vers Google Product Search et en 2012, a de nouveau changé de modèle et de nom. A l’horizon 2019, le nouveau Google Shopping, officiellement mis en service en octobre, a proposé un certain nombre de changements et d’innovations visant à combler l’écart entre l’expérience shopping sur Google et sur Amazon, avec notamment :
- La personnalisation basée sur l’historique de la recherche.
- De l’achat omnicanale avec la possibilité pour un vendeur d’afficher l’inventaire local (d’un magasin physique spécifique, par exemple). Ainsi, il est possible pour un internaute d’acheter un produit provenant d’un magasin local physique et de venir le chercher directement.
- La fusion de Google Express et de Google Shopping.
- Normalisation du panier d’achat et du passage à la caisse avec le programme « Acheter sur Google » qui permet de payer directement vos produits sur Google grâce au bouton « Acheter sur Google ».
- Des retours produits faciles et la garantie Google.
💪 Google tente de s’affirmer
La « prise de contrôle » du panier d’achat avec le bouton « Acheter sur Google » et la standardisation du checkout à travers Google Shopping Actions ont été une décision cruciale, bien que de nombreux détaillants n’en aient probablement pas été satisfaits. Il s’agit d’un élément important de la stratégie de Google pour faire reculer Amazon est d’établir des partenariats avec les commerçants en fournissant un checkout universel.
Avec ce bouton, Google s’affirme réellement comme une marketplace (comme Amazon), permettant de syndiquer plusieurs vendeurs tiers, tout en centralisant le paiement sur Google.
La personnalisation est une autre caractéristique clé, bien qu’Amazon propose plusieurs niveaux de personnalisation. Google dispose d’un ensemble de données plus large qu’Amazon, ce qui pourrait générer des recommandations de personnalisation et d’achat différentes et meilleures.
🏬 Une fonctionnalité drive-to-store qui peut faire la différence
L’inventaire local (données des magasins locaux) est un facteur de différenciation potentiel majeur. Encore une fois, cette fonctionnalité permet pour un marchand de mettre en vente des produits de son magasin physique. Une fois acheté sur Google Shopping, l’internaute pourra alors venir chercher son produit directement en magasin.
C’est sans doute la seule caractéristique de la liste qu’Amazon ne possède pas et qu’il est peu probable qu’il développe. Cette fonctionnalité permet de créer une véritable passerelle entre l’internaute et l’établissement physique. C’est un « talon d’Achille ». Mais il reste à voir avec quelle agressivité Google développe et promeut l’inventaire des produits locaux.
🚧 Il reste du chemin à parcourir
Il reste plusieurs domaines que Google doit aborder s’il veut détrôner d’Amazon :
- Le service client.
- Un service premium comme Amazon Prime.
- Les avis produits.
- De l’animation commerciale à l’interface et aux listings produits.
- La confiance des consommateurs.
- La marque « Google » a installer en tant qu’acteur e-commerce.
➡️ Amazon Prime est sans aucun doute le programme de fidélisation le plus réussi de tous les temps. Il permet d’augmenter les dépenses et la fréquence des achats. Google aura du mal à le neutraliser.
➡️ Le service à la clientèle est un problème difficile pour Google : il n’est pas dans l’ADN de l’entreprise, alors qu’Amazon a fait de son service client, son arme de destruction massive. C’est un obstacle majeur qui ne sera pas surmonté par la seule garantie de Google.
➡️ Les évaluations de produits sont un domaine critique et une opportunité. Google Shopping est assez stricte sur l’affichage des notes produits dans ses listings, ce qui n’est pas le cas d’Amazon. Amazon a un problème handicapant dans ce domaine, puisque n’importe quel acheteur peut déposer un avis sur un produit, même s’il ne l’a pas acheté. La qualité d’un produit peut alors s’en trouver biaisée à cause de sa note trafiquée. Si Google devenait encore plus exigeant en ce qui concerne l’encadrement des avis, en n’autorisant seulement des avis d’acheteurs vérifiés, il pourrait faire de la confiance un point de différenciation.
➡️ Voici un autre problème, intangible, pour Google : utiliser Amazon est plus intuitif que Google Shopping, grâce notamment aux fonctionnalités du site, son énorme catalogue de produits, du contenu et de l’interface utilisateur. Google Shopping est très sobre et impersonnel… Amazon est plus désordonné mais offre plus de possibilités de découverte. Il y a une possibilité de surprise, un peu comme lorsqu’on navigue dans un vrai magasin. Google Shopping est très… très loin de ça.
💡 Google doit trouver sa propre voie
Prenons l’exemple de Bing qui tente depuis longtemps de concurrencer Google dans le domaine des moteurs de recherche. Bing a développé une expérience de recherche qui est sans doute aussi bonne que celle de Google, mais Bing n’a pas pu gagner de parts de marché au-delà d’un certain point. On peut débattre du pourquoi, mais il est probable que c’est parce que le moteur de Microsoft imitait trop Google et n’était pas assez différent, ou meilleur. On a beau dire ce que l’on veut, le label MOTEUR DE RECHERCHE est associé à Google, et personne d’autre. Peut-on en dire autant pour Amazon par rapport au commerce électronique ?
Pour battre Amazon, Google Shopping devrait égaler, voire dépasser, les capacités et les caractéristiques clés d’Amazon. Google doit également créer et imposer dans la tête des consommateurs une marque associée « shopping » plus forte. La marque est l’expression de divers facteurs : qualité, service, UX, personnalité, confiance et bien d’autre choses… Amazon est le site d’achat le plus fiable et l’une des entreprises les plus respectées dans le monde. Google n’est pas si loin derrière, mais il est en retard.
👉 Conclusion
Google Shopping est un produit qui s’améliore. Mais il faudrait une stratégie quasi parfaite sur plusieurs fronts pour rattraper Amazon. Certains pourraient dire que Google n’a pas besoin de rattraper ou de battre Amazon, il lui suffit de retenir les utilisateurs tapant des recherches d’achat dans son moteur (et les annonceurs). Par conséquent, être un simple numéro deux pourrait être suffisant.
En parallèle, Google s’est également positionné comme le leader de la fronde anti-Amazon que beaucoup d’acteurs e-commerces supportent. Ce n’est pas une mauvaise stratégie, mais le délicat défi de Google consiste à élever Google Shopping au rang de marque e-commerce, avec une expérience utilisateur cohérente, sans pour autant réduire les e-commerçants à de simples partenaires et vendeurs tiers expédiant les produits.
Quoiqu’il en soit, que ce soit pour devenir numéro un ou consolider une place d’outsider, Google doit accélérer son expansion e-commerce, pour profiter des nouveaux comportements d’achat post Covid-19 et pour ralentir Amazon dans sa folle course aux parts de marché dans le secteur de la publicité en ligne.
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